Le Handicap Invisible : quels enjeux pour les entreprises ? quelles actions concrètes ?
Par Valérie Couret Bares.
Parler de handicap invisible c’est parler de la frontière entre ce qui doit rester invisible pour les équipes et ce qui doit au contraire être mis en lumière au sein d’un service. Comment faire cet arbitrage ? Chaque situation aura sa propre réponse mais nous voulons relever ici les mises en pratiques communes.
Les enjeux de l’invisible
Si « on ne connait que les choses que l’on apprivoise »* on ne peut comprendre que les contraintes qui se voient. En étant non apparentes, les limitations physiques ou sociales de la personne porteuse du handicap invisible sont source d’incompréhension. Le diabète, la sclérose en plaques, l’autisme, l’épilepsie, les troubles bipolaires, plus largement tous les troubles psychiques…ont des répercussions concrètes pour les personnes en souffrant mais sans que leurs impacts ne soient visibles pour autant (déficience inapparentes).
Connaitre ce que recouvre la notion de « handicap invisible » est un premier pas concret vers l’inclusion alors que ce terme trop souvent méconnu représente 80 % des situations de handicap reconnues. Une sensibilisation des équipes à cette notion de handicap invisible permet de créer le socle de compréhension de base nécessaire pour faciliter l’inclusion d’une situation avérée ou pour permettre de l’identifier.
L’intégration d’une personne porteuse de handicap invisible
L’accueil dans une équipe d’une personne en situation de handicap invisible mais révélée lors de l’embauche pose la question de la prise en compte de cette donnée dans l’intégration et la définition du poste du collaborateur, et du partage de cette information.
L’entreprise qui intègre un Travailleur en situation de Handicap peut le faire avec de très bonnes intentions, mais si elle n’est pas attentive aux impacts possibles de ce handicap sur le travail, lors de l’intégration puis au fil de l’eau, le risque est grand pour le salarié de se retrouver en difficulté au poste de travail. Cela demande un suivi managérial de ce collaborateur, comme pour tout collaborateur, mais en ayant en tête les impacts possibles du handicap. Cela peut conduire à des aménagements du poste de travail.
Communiquer sur un handicap invisible
Se pose en parallèle, la question de la communication des impacts potentiels ou avérés du handicap sur la situation de travail du salarié, et de l’équipe. Qui dans l’environnement du collaborateur doit être informé et de quoi ?
Différents cercles de communication peuvent être envisagés.
Ces questions sont posées par l’entreprise dans l’objectif de réussir l’intégration et de favoriser l’inclusion de la personne mais elles doivent être instruites avec la personne concernée.
Si l’entreprise est mise au défi de « communiquer » sur la situation de handicap, la personne porteuse de handicap l’est également et depuis plus longtemps dans les cas de handicaps antérieurs à la prise de poste.
L’importance d’associer la personne à la réponse sur la définition des cercles de « communication » est trop souvent minimisée. Cela permet pourtant un échange concret sur la réalité de sa situation et permet de mettre en lumière certaines de ses contraintes. Dans les cas de handicaps survenus durant la carrière dans l’entreprise, la difficulté de reconnaitre ses pertes de capacités peut provoquer une réaction défensive qui nécessitera du temps avant que la personne accepte de partager sa situation à un cercle plus élargi (collègues notamment).
Le fait d’amorcer le dialogue sur la définition des cercles de communication permet d’accompagner la personne dans la prise de conscience des ajustements nécessaires qu’elle doit intégrer à son contexte de travail. L’entreprise a un rôle central à jouer dans l’acceptation de la situation en posant le cadre bienveillant qui permettra en respectant le rythme de la personne de pouvoir accepter de partager sa situation afin qu’elle soit dans les meilleures conditions de travail possible. Cela peut nécessiter un accompagnement externe.
Inclure la personne souffrant de handicap invisible à la réflexion sur la « communication » de sa situation est une démarche nécessaire à une inclusion réussie. Le psychologue du travail peut être un appui à la préparation de cette communication, afin d’accompagner les équipes dans leur compréhension et leur donner les moyens d’une inclusion réussie.
L’aménagement de poste de la personne en situation de handicap
S’il est une situation ou le handicap invisible devient lui-même visible c’est lorsqu’il nécessite un aménagement de poste. Dans les cas de handicap invisible acquis survenant en cours de collaboration, les modifications des conditions de travail induites peuvent apparaitre comme des « privilèges » qui rompent l’équité des conditions dans les équipes. Ainsi la situation de télétravail dans un cadre d’aménagement de poste pour des raisons thérapeutiques alors qu’il est par principe exclu ou limité à des cas exceptionnel au sein d’une même équipe.
La nécessité de circonstancier ces aménagements à un cadre de « nécessité thérapeutique » peut permettre de désamorcer des situations conflictuelles mais en même temps pose à nouveau la question du « niveau d’information » qui est associé. En accord avec la personne concernée par l’aménagement du poste, certaines contraintes justifiant l’aménagement peuvent être partagées et initier un dialogue plus large avec les équipes sur la prise de conscience de la situation de handicap.
Enfin l’aménagement de poste doit être piloté en mode « projet » comme tout autre modification des conditions de travail :
- Avec des interlocuteurs adaptés : la médecine du travail, le psychologue du travail, le référent handicap, service RH
- en analysant les impacts sur l’organisation et la communication afférente, le suivi dans le temps (pilotes responsables du suivi et échéances).
L’intervention du psychologue du travail peut faciliter la mise en place d’un groupe de travail pilote de l’aménagement :identifier les ressources internes et externes à mobiliser, élaborer un plan d’actions qui intègre le suivi dans le temps, adopter un plan de communication
*Le petit prince, Antoine de Saint Exupéry