A partir d’une étude au long cours réalisée sur ce sujet dans une entreprise de service, je vous propose ici une trame générale pour analyser ce sujet très complexe de « la charge de travail », qui peut s’appliquer au niveau d’une petite équipe jusqu’au niveau de l’entreprise toute entière.
Ecouter ce que les collaborateurs en disent
L’écoute active du discours d’un échantillon de collaborateurs est primordiale.
Il faut pouvoir animer et cadrer ce type d’entretien, mais il fournit une quantité de données majeure à condition :
- d’être à l’écoute, sans jugement, sans chercher à justifier tous les dysfonctionnements remontés par les collaborateurs,
- sans chercher à résoudre tout de suite le problème remonté : cette question de la charge de travail est en effet systémique, et le problème doit être compris dans son ensemble avant d’engager des actions qui risquent d’être coûteuses et inefficaces.
C’est mon métier d’intervenante en entreprise de préparer et d’animer ce type d’entretiens, mais je pense sincèrement qu’une forme d’écoute peut et doit se développer au sein des entreprises, entre un manager et son équipe, entre un directeur et un chef d’équipe, pour favoriser ces échanges « dépassionnés » sur des sujets relatifs au travail.
D’expérience, ce qui fonctionne bien est une démarche « en entonnoir », ou on pose une question ouverte mais suffisamment précise, par exemple : « quelles activités aujourd’hui vous demandent une charge de travail que vous estimez anormalement élevée ? »
Puis on recueille l’expression libre des participants par exemple sous forme de post-it, ensuite l’animateur regroupe ces différentes expressions sous forme de thèmes, et en approfondit l’analyse avec les participants.
Distinguer causes et conséquences de la charge de travail
Il faut pouvoir distinguer « ce que ça fait » en termes de charge de travail, des éléments à l’origine de ces effets.
Différentes approches de la charge de travail existent, par exemple on peut distinguer 3 types de charge : la charge temporelle (temps passé, débordements vie hors travail ...), la charge cognitive ou charge mentale (des efforts élevés pour atteindre un résultat), et la charge émotionnelle (devoir faire face à un usager ou client agressif ou en détresse par exemple). La charge physique peut aussi entrer en ligne de compte.
On peut donc regarder ce qui est le plus significatif dans une équipe ou une entreprise par rapport à ces différents types de charge, puis la partie la plus délicate consiste à analyser ce qui permettrait de diminuer cette charge : ce que l’on nomme les déterminants (ou causes) de la charge de travail.
Cibler une thématique ou une population dans l’entreprise
Il est illusoire et même contre-productif de vouloir traiter tous les problèmes de charge de travail de toutes les populations en même temps.
De plus améliorer les conditions de travail d’une population cible va amener à s’interroger sur des déterminants transverses à l’ensemble des populations (par exemple sur les modes de communication, de gestion des ressources humaines, etc.), et donc d’améliorer les conditions de travail de l’ensemble.
Aussi, en fonction de la première analyse opérée, l’entreprise a le choix :
- de traiter un sujet identifié comme majeur pour un grand nombre de populations ;
- de traiter en profondeur la situation d’une population en particulier.
Cette phase d’analyse plus approfondie, doit conduire à l’identification des « bons leviers d’actions », ce qui demande d’analyser « les causes des causes ».
Par exemple, donner plus de temps aux collaborateurs qui disent travailler dans l’urgence, pour traiter certains sujets, ne va pas forcément les satisfaire si le problème est qu’ils ont des logiciels peu performants ; on peut temporairement affecter plus de temps, mais en même temps travailler à l’amélioration de l’ergonomie et de la performance des logiciels.
Partager cette analyse avec les différents niveaux hiérarchiques
Dans l’intervention réalisée, c’est la DRH qui a en premier pris connaissance des analyses, puis le DG ; le reste des membres du CODIR est resté plusieurs mois en retrait de l’intervention, le retour auprès d'eux s’est bien déroulé car l’entreprise était dans une dynamique de transformation, et les dirigeants étaient ouverts et conscients de la nécessité de travailler sur certains sujets.
Cette phase est fondamentale : si le niveau décisionnaire n’est pas convaincu du bien-fondé des préconisations, le travail en amont n’aura servi à rien !
Référence
https://www.anact.fr/10-questions-sur-la-charge-de-travail