Un vécu dominé par l’incertitude
Je vois 3 grandes questions, mais il y en a beaucoup d’autres, qui sans doute pèsent sur beaucoup d’entre nous.
Quand finit le confinement ?
Les pouvoirs publics restent aujourd’hui vagues sur la date de fin. Nous sommes manifestement nombreux à envisager la période de 6 semaines comme la plus probable, mais aucun d’entre nous n’est en mesure de savoir précisément quand la vie pourra reprendre son cours « normal ».
Cette incertitude a des effets différents sur chacun d’entre nous, selon notamment le degré de contrôle que l’on aime avoir sur les événements.
A quels risques suis-je exposé ?
Cette question est totalement inédite pour nous qui vivons dans un pays à l'abri des guerres et de bien des maladies. Les informations données nous ont apporté au début des réponses très partielles, contradictoires (plus de restaurant, mais des élections maintenues …) ; aujourd’hui il semble que beaucoup aient pris la mesure du risque et acceptent de prendre les précautions recommandées.
Celles et ceux qui n’ont pas le choix, de sortir, d’être au contact de malades, doivent bénéficier du meilleur niveau d’information possible, et on peut imaginer que c’est le cas. Les autres, à leur niveau, vont au supermarché et se demandent s’ils doivent tout passer à la javel en rentrant.
Cette question se pose de façon très différente selon les individus, et va générer plus ou moins d’anxiété selon la situation dans laquelle on est, et selon ses propres ressources.
Quelles seront les conséquences de cette période après ?
Il est encore tôt pour mesurer les effets de ce confinement.
Mais chacun d’entre nous commence à se poser des questions qui vont du très concret, des impacts financiers (pour les non-salariés surtout), à des considérations plus « philosophiques » (quelle orientation donner à ma vie …), en passant par des craintes pour ses proches, ses enfants (comment vont -ils réussir à reprendre l’école … ), etc.
Un nouveau cadre de vie
Notre cadre de vie a changé, que l’on vive seul, en famille, que l’on travaille ou pas.
Hyper présence de la sphère familiale
Beaucoup le disent en plaisantant, « il va y avoir des divorces », « des crises parents – enfants », etc. Cette vie en continu avec les gens avec qui l’on vit, est inédite pour beaucoup d’entre nous. Du petit bout de mon expérience je vois deux extrêmes, avec une pluralité de cas entre les deux :
- La synchronisation des rythmes, des activités s’opère plus facilement du fait que l’on vit tous sous le même toit. Dès lors que chacun fait un pas pour contribuer à la vie commune, respecte les règles internes (on mange ensemble, répartition des tâches ménagères…) et externes (les règles du confinement ) de la même façon, la vie ensemble peut se dérouler de façon sereine.
- Les membres de la maisonnée ne parviennent pas à synchroniser rythmes, envies (qu’est-ce qu’on mange …), n’ont pas la même interprétation des règles (« je sors si je veux ») … dans ce cas la vie commune peut générer des tensions intra psychiques et relationnelles qui peuvent aller crescendo au fil du confinement.
Réorganisation des modalités de la vie professionnelle et personnelle
Comment continuer à travailler ? Comment relancer mon activité, que proposer à mes clients ?
La situation nous oblige à réfléchir, à revoir nos modes de travail habituel.
Parfois le réel se rappelle au travailleur de façon violente et très présente (les soignants), ou bien de façon violente également mais par le vide (l’absence de commandes, de nouvelle demande pour tout un pan « non prioritaire » de l’activité économique).
Pour d’autres, l’activité continue, à distance, et oblige à déployer des trésors d’ingéniosité, pour faire de loin ce que l’on ne peut plus faire de près (une comédienne installe un studio chez elle pour se filmer, plutôt que d’aller sur un lieu de tournage).
De façon plus basique, chacun revoit comment faire ses courses ! Cela peut nous rendre plus organisés, dans l’anticipation, pour aller faire les courses une fois et pas 5 fois par semaine. Tout le monde se dit qu’il doit faire du sport, soit continuer, soit s’y mettre pour décompresser, et réfléchit au meilleur moyen d’y parvenir.
Pour beaucoup, les sphères professionnelles et personnelles sont plus imbriquées que jamais : faire l’école à ses enfants et télétravailler, faire ses courses entre deux conférences téléphoniques …
Diminution des libertés
Ce qui caractérise la période est peut-être avec l’angoisse d’un ennemi invisible, la diminution inédite des libertés dans un pays comme le nôtre.
Jamais nous n’avions été amputés de cette liberté de déplacement.
Au-delà de la simple question des déplacements, ne plus pouvoir faire un nombre important de nos activités habituelles, s’apparentant à une diminution de notre pouvoir d’agir, doit nous amener à trouver des stratégies pour nous sentir malgré tout acteurs de notre vie et de nos choix.
Les effets du confinement
A nouveau, les effets seront différents pour chacun d’entre nous.
Sur la santé, les « talons d’Achille » de chacun, les fragilités physiques et psychiques, sont à observer de près : sommeil, alimentation, anxiété … Nos troubles déjà présents risquent d’être amplifiés.
Au niveau psychosocial, comme vu ci-dessus, cette période va réinterroger nos relations, avec ceux avec nous aurons vécu au quotidien cette période (conjoint, enfants), avec notre employeur : qu’aura-t-il mis en place pendant cette période ? Ma confiance en lui en sortira-t-elle renforcée ou au contraire diminuée ?
De façon plus large, nos relations et le fait de nous sentir appartenir à une communauté peut soit être renforcé … soit se craqueler.
Nous aurons tous vécu le même événement, mais pas de la même façon en fonction de notre contexte de vie.
Autrement dit, nous n’aurons pas vécu du tout la même chose.
Il n'y a en effet rien de commun entre la vie confinée d’une famille de 5 personnes dans un appartement de 50 m2, et celui d’un couple dans une maison à la campagne, entre celle d’une aide-soignante en EHPAD et d’un travailleur indépendant travaillant de chez lui.
Dans les entreprises, entre amis, en famille, c’est à cela me semble-t-il qu’il faudra être vigilant, et plus que jamais réussir à nous mettre à la place de l’autre, pour le comprendre, sans le juger ; il nous faudra ainsi pouvoir ainsi adapter nos exigences également après cette période, vis-à-vis de ceux qui auront été le plus marqués par cette épreuve.